La voix de son maître

17/12/2017

Il y a quelques jours, je suis tombé sur une émission à la radio qui avait pour sujet "Mon ado entend des voix". Le spécialiste du jour un psychiatre réputé a expliqué que 5% des ados entendent des voix contre 1% des adultes. C'est ce que la psychiatrie appelle des hallucinations auditives qui sont les plus fréquentes. La moitié de ces 5% d'ado seraient de potentiels schizophrènes. La solution actuelle de la médecine, est un diagnostique précoce et un traitement souvent à l'aide de neuroleptiques en plus d'un suivi psychologique.

Ce qui m'a fait réagir à ce sujet, c'est la vision manichéenne de l'intervenant qui conclut en disant que si l'on entend des voix qui nous "veulent du mal" ce sont des hallucinations et le symptôme d'un problème psychiatrique mais que si les voix que nous entendons sont "positives", c'est tout à fait normal.

Si je m'arrête là, je me dis ouf ! Les voix que j'entends sont du bon côté de la frontière définie par la science, je vais bien ! Mais, je n'ai pas pour habitude de m'arrêter à ce type de raisonnement.

Je me suis interrogé suite à ce bref moment partagé avec cet inconnu au travers des enceintes de ma voiture. Il y a longtemps, je m'étais posé la question de savoir si ces voix que j'entendais et que d'autres me disaient entendre étaient bien réelles. Pour moi, il n'y a pas de doute, les voix, les messages reçus ou les visions que j'ai depuis mon enfance font bien partie de la réalité ou d'une réalité parallèle à la réalité définie comme normale devrais-je peut-être écrire. Et là, je me dis, heureusement que je n'ai pas parlé de ça au psy de l'école et que j'avais des parents rationnels qui avaient bien compris que j'étais un ado équilibré et intuitif. Ma vie d'ado sensible et connecté aurait pu se transformer en vie d'ado drogué aux neuroleptiques (horreur !!) et là, je pense à Céleste, Alex, Céline, Charles, Mathilde, Manon et bien d'autres enfants et ados sensibles que j'ai croisés, parfois en souffrance, parfois en échec scolaire à cause de leur différence. Ces gosses que l'on ne comprends pas toujours, ceux-là avec lesquels on ne sait pas toujours comment se comporter pour ne pas les blesser ou les comprendre. Ceux-là que l'on aime en tant que parent, frère ou soeur. Ceux-là qui ne sont pas fous, mais qu'il est difficile parfois de faire rentrer dans une sacro-sainte case du système. Ces gosses qui vous parlent comme des adultes alors qu'ils n'ont pas encore fêté leur majorité, ceux-la qui vous comprennent au premier regard, ceux-la qui ressentent les choses avec plus de force et parfois cela les fait souffrir, douter et les rend fragiles ou malheureux.

Je me souviens de cette jeune fille qui sortait de l'hôpital psychiatrique, dopée aux médicaments censés lui rendre la liberté, elle était éteinte, elle avait perdu toute faculté à ressentir le monde qui l'entourait. Cette jeune fille que j'avais rencontrée quelques années plus tôt et qui avait partagé avec moi le monde dans lequel elle vivait, fait de forces, d'esprits, de messages, de peurs et d'incompréhension. Un jour elle a croisé sur le chemin de l'école une entité qui voulait abuser de sa fragilité, elle a pris peur, elle a crié, elle a couru demander de l'aide à un policier qui se trouvait au coin de la rue. Qui en réponse à sa détresse, a appelé une ambulance (que pouvait-il faire d'autre) et une fois à l'hôpital quand elle a expliqué ce qui lui était arrivé, le diagnostique est tombé, direction la case psychiatrie pour un mois bien dosé.

La science est encore loin de tout savoir et de tout comprendre, c'est ainsi, c'est comme cela depuis ses débuts. L'homme est empli de certitudes, de vérités qui font lois jusqu'à la prochaine découverte qui remet tout en question et crée une nouvelle loi, une nouvelle croyance scientifique. Je ne remets pas la science en question, je suis un élève de cette école et j'aime la science et ce qu'elle nous apporte au quotidien mais je m'interroge sur ces règles, ces cases préétablies avec lesquelles il faut jouer et dans lesquelles il faut rentrer. Je m'interroge sur ces gosses gavés de neuroleptiques comme des oies de maïs avant Noël. Je m'interroge sur comment avec juste un peu plus de sagesse, de bon sens, d'esprit critique, nous pourrions en tant qu'adulte aider les plus jeunes à mieux se comprendre, à apprivoiser leur environnement et à devenir des adultes éclairés, épanouis et bien dans leurs baskets.